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09 Février 2022
La Martinique, terre de refuge des persécutés au cours de la Seconde Guerre mondiale. Une conférence de Eric T. Jennings, Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Toronto, jeudi 10 février 2022, en ligne avec l’Institut Elie Wiesel.
Entre la débâcle de mai-juin 1940 et la fin de l’année 1941, quelque 5000 réfugiés étrangers et opposants politiques français gagnèrent la Martinique depuis Marseille à bord de cargos.
Ces hommes, femmes et enfants en danger débarquèrent aux Antilles, échappant ainsi à l’Europe embrasée.
Un grand nombre d’entre eux étaient juifs, d’autres républicains espagnols, d’autres encore socialistes antinazis.
Parmi eux se trouvaient le révolutionnaire Victor Serge, les photographes Germaine Krull, Boris Lipnitzky, Fred Stein et Ilse Bing, le cinéaste Jacques Rémy (Raymond Assayas), les artistes Wifredo Lam, André Masson et Antonin Pelc, le scientifique Bertrand Goldschmidt, la romancière Anna Seghers, le poète Walter Mehring, et bien d’autres encore.
L’épisode est peu connu, et pourtant, le sauvetage eut une grande portée.
D’après l’humanitaire Varian Fry, qui saisit l’occasion offerte par ces navires, il s’agissait de « la dernière et de la meilleure issue de secours. »
Plus surprenant encore : il s’avère que cette opération fut initiée par le ministère de l’Intérieur de Vichy.
Comment expliquer d’abord l’existence, puis la fermeture éventuelle de cette porte de secours ? Fort de presque vingt ans de recherches menées en France, en Allemagne, en République Tchèque, en Amérique du Nord et aux Antilles dans des archives publiques et des papiers familiaux, cette présentation met l’accent sur des expériences individuelles et collectives.
Si des exemples de sauvetage de juifs à Shanghai ou en République dominicaine ont bien été étudiés, la filière martiniquaise reste largement inconnue.
Nombre des réfugiés en question étaient pourchassés par les nazis ; or, d’après la convention d’Armistice, même en zone non-occupée, Vichy devait les remettre « sur demande » aux autorités allemandes.
Ils avaient sollicité, le plus souvent en vain, des visas pour les Etats-Unis, avant de tomber enfin sur la ligne martiniquaise qui permettait au moins de quitter le sol métropolitain sans le précieux sésame pour l’étranger.
J’explorerai enfin la clôture de cette route de secours, insistant sur le rôle des autorités américaines dans le processus qui mit un terme à la liaison maritime reliant Marseille à Fort-de-France via Casablanca.
En effet, l’arrivée de réfugiés aux noms à consonance allemande avait fini par persuader Washington que des loups étaient parvenus à se glisser dans la bergerie.
Les craintes d’aujourd’hui autour d’une potentielle cinquième colonne parmi une masse de réfugiés – et les terribles conséquences de ces craintes sur les opérations de secours – n’ont donc rien de nouveau.
Les bateaux de l’espoir
Eric T. Jennings
Éditeur : CNRS Editions
Entre la débâcle de mai-juin 1940 et la fin de l’année 1941, quelque 5 000 hommes, femmes et enfants gagnèrent la Martinique depuis Marseille à bord de cargos, échappant ainsi à l’Europe embrasée. Certains étaient juifs, d’autres républicains espagnols ou socialistes antinazis.
Fort de plus de vingt années de recherches en France, en Allemagne, en République Tchèque, en Amérique du Nord et aux Antilles, dans des archives publiques ou familiales, Éric Jennings raconte cette aventure exceptionnelle.