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Patrick Klugman et Arié Alimi, irréconciliables ? par Virginie Guedj

J’ai rencontré Arié Alimi et Patrick Klugman en 1997 à Strasbourg. Enfin je crois, je ne me souviens plus trop des dates. Les conventions de l’UEJF se ressemblent toutes. Des ateliers la journée, de grandes AG tardives où quand à 2h14, on recompte les votes sur les modalités de participation aux élections universitaires sur des listes communes avec l’UNEF, un étudiant en doubonne kaki prend en otage le micro pour qu’on inscrive dans les statuts que  »Jérusalem est la capitale une et indivisible de l’état d’Israël ». 

 

Patrick et Arié ne viennent pas du même milieu mais, à l’époque, ils ont en commun deux choses fondamentales qui constituent une communauté d’esprit : Un cursus, le droit. Un territoire, Assas. Faire du Droit à Assas en 97 c’est assister à chaque rentrée à l’intronisation de jean- Claude Martinez, prof de droit fiscal et vice-président du FN. Faire du droit à Assas en 1997, c’est déambuler dans des couloirs où des autocollants appellent à « Libérer Deauville et le Sentier, territoires occupés ». A Assas, en 19997, l’histoire du militantisme d’extrême-droite se conjugue encore au présent. Le Gud et l’uejf se croisent avec à la clé, parfois, des bagarres qui tissent les légendes, le tout dans l’indifférence de la jeunesse parisienne bien née, exclusivement là pour étudier. 

 

Patrick est ashkénaze, smart, drôle, ultra sociable. Arié est séfarade, taciturne, silencieux, solitaire. Patrick simule des chutes quand on se balade dans les rues de Paris, là où Arié prend une voix de baryton pour compenser un manque de confiance que lui seul perçoit. On n’est pas loin du générique de la série “Amicalement vôtre ». On a 20 ans. On n’est pas totalement abouti mais on ressemble globalement à ce qu’on va devenir. Patrick connaît une ascension fulgurante, programmée. Je l’ai longtemps surnommé,  »le meilleur d’entre nous » en référence à Alain Juppé tout en reconnaissant que Patrick n’avait pas besoin d’un mentor pour avancer. L’Uejf, SOS Racisme, la Mairie de Paris. Son parcours militant se fait à marche forcée. 

Il fait partie de mon cercle, même lointain, même par intermittence. Je le retrouve au dîner du CRIF, le croise dans des manifestations. Je l’interviewe régulièrement. Je n’ai pas d’invité pour mon journal sur Radio Shalom, il répond ok. Il veut que je couvre un événement qu’il organise, j’y vais. On s’engueule mais je prends toujours sa défense face à ses détracteurs : mes potes journalistes, mes petits amis. Patrick est médiatique. Ça agace. Ça énerve. On s’engueule souvent mais on se réconcilie toujours. C’est Patrick. A son sujet, je conclue souvent par  »C’est Patrick… » comme si son nom était devenu un adjectif. Je suis fière quand je le vois à la sortie du procès d’Abdelkader Merah, je tique quand il défend les Femen mais je fais mienne cette définition du mot ami :  »C’est quelqu’un qui vous connait bien mais qui vous aime quand même ». Patrick est comme le cœur, il a ses raisons que la raison, parfois, ignore. 

J’aurais dû mal à être aussi prolixe sur Arié. Je le connais peu. Quand Patrick s’investit à l’Uejf, Arié s’échappe vers d’autres lieux. En 2016, il défend la famille de Rémi Fraisse, mort sur le barrage de Sivens. L’argumentaire contre l’état d’urgence est déjà là.  Septembre 2019, en pleine polémique Yann Moix, ils se croisent sur le plateau de BFM.  Patrick défend l’écrivain aux prises avec des vieux démons. Arié, des gilets jaunes victimes de violences policières. Je me dis que la vie est marrante. J’en fais un statut Facebook. Patrick quitte la Mairie de Paris en fin de mandat, Arié s’engouffre dans le combat contre ce qu’il appelle l’état policier. Sa défense des émeutiers à Sarcelles ce fameux week-end où on a entendu “mort aux juifs” dans les rues de celle qu’on appelait “la petite Jérusalem” m’interpelle, sa participation à la manifestation contre l’islamophobie en novembre 2019 me sidère. Patrick défend les parties civiles au procès des auteurs des attentats contre l’Hypercasher, Arie défend des djihadistes. La constance de leurs engagements respectifs me parle même si je ne les partage pas. J’ai la sensation qu’à gauche, vaste territoire idéologique, on n’occupe des places très éloignées. Celle de Patrick me paraît à l’arrêt, celle d’Arié, carrément infréquentable. 

 

Quand début janvier, j’évoque avec Patrick l’idée d’un débat, ça commence comme une blague, un jeu, en mode “chiche ?”. Et puis l’idée infuse, le format s’impose. 

Parce qu’ils sont tous les deux avocats, très juifs, très engagés, très constants, sans pour autant porter les mêmes combats. 

Parce que leurs voix sont aussi fortes que discordantes. 

Parce qu’ils ont des choses à nous dire, à se dire sur la communauté, qu’elle soit juive et nationale, l’identité qu’elle soit juive et française, l’engagement, qu’il soit dans les prétoires ou dans le champ politique. 

Parce qu’il n’y a qu’à l’ECUJE que vous pourrez assister à ce genre de débat. Je vous donne rendez-vous le 23 février à 19h.

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